Comme le signalent les auteurs de la préface, ce second ouvrage de James Gammill, psychanalyste d’enfants, d’adolescents et d’adultes, « rigoureux penseur et technicien de la psychanalyse », était attendu. Son premier ouvrage concernait la pensée de Mélanie Klein, A partir de Mélanie Klein, il a été publié en 1999.
De nationalité française et américaine il a formé nombre de psychanalystes de la S.P.P. Son ouverture sur le monde, du fait entre autres de sa double nationalité, a été pour ses étudiants un enrichissement permanent. Il a permis des liens nombreux avec des psychanalystes étrangers. Il a montré une énergie sans pareil pour aller enseigner à travers toute la France, fruit de sa générosité et de son souci d’ouverture.
Supervisé par Mélanie Klein, il a transmis son enseignement dans un respect total de sa pensée dans ses aspects les plus vivants. En dehors de cette transmission, James Gammill a aussi apporté de nombreux développement originaux à la pensée psychanalytique concernant entre autres le conflit oedipien, la névrose infantile, la contra-phobie, les différentes éditions de la position dépressive, le rêve, la dépression primaire…
La question de la dépression (dépression primaire et sa résolution ou position dépressive) court sur les sept chapitres de ce livre. Il explore les éditions successives de la position dépressive tout au long de la vie. Pour J. Gammill l’affect dépressif est le même dans les différentes formes cliniques de la dépression. Les bébés vivent des moments de dépression primaire et il pense que cette potentialité à la dépression primaire ne disparaît jamais tout à fait entièrement. Certains grands tournants de la vie représentent des temps forts de l’élaboration de la position dépressive. Il retrace les divers moments de la vie où l’élaboration et un travail de deuil doivent se faire (Quelques exemples : entrée à l’école primaire, le début et la fin de l’adolescence, la ménopause, la retraite etc…). Pour lui, un état dépressif qui dure signe l’échec de l’élaboration de la position dépressive dans une de ses éditions, qui réactive toujours plus ou moins les éditions antérieures. Il étudie les rapports entre la dépression primaire normale et pathologique par rapport à la position schizo-paranoïde et la position dépressive.
Après un long développement intéressant sur les positions réciproques de M. Klein, D. Meltzer, E. Bick et W. Bion à propos de l’existence ou non « d’une période (stade) normale d’adhésivité au monde psychique en bidimentionalité qui assure une fusion très primitive à l’objet à travers l’adhésivité et l’agrippement… faisant taire du même coup les angoisses les plus primitives… en deçà de celles de la position schizo-paranoïde, il se demande s’il s’agit de mécanismes essentiellement pathologiques… Il affirme qu’il existe une certaine capacité à la tridimensionnalité dès le début de la vie, mais, ce qui est plus original encore une certaine quantité de bidimensionnalité et d’identification adhésive dans une certaine mesure tout au long de la vie. »
Il existerait selon J. Gammill et G. Haag des moments de dépression primaire normale (sentiment d’être laissé tomber, d’être dans le noir sans lumière, de se répandre, de chute dans un trou noir), que l’on retrouve à certains moments dans les cures d’adultes, chez presque tous les petits enfants et cela bien avant la position dépressive, qui a une dynamique complexe.
J. Gammill s’intéresse à la question de la violence chez l’être humain et à la notion de contre-vérité psychique chez l’enfant et l’adolescent, véritable poison pour le développement de la personnalité, celle-ci peut avoir un côté défensif, face à une crainte souvent inconsciente que sa reconnaissance n’entraîne une souffrance trop grande pour le moi, mais c’est aussi un plaisir hautement sexualisé dans la partie perverse de la personnalité.
La question de la séduction est commentée de façon détaillée par quelques séances du matériel d’une enfant suspectée d’avoir été abusée par un membre proche de la famille. L’auteur nous montre le lien entre la séduction pathologique au service de la défense maniaque instaurée pour contre balancer un vécu dépressif.
Entre ces chapitres, il aborde la question de l’adolescence. Il souligne la nécessité d’élaborer non seulement l’ambivalence amour-haine mais aussi l’ambivalence dépendance-indépendance chez l’adolescent. Pour J. Gammill tous les niveaux libidinaux doivent être étudiés dans l’analyse ainsi que la qualité des liens.
On appréciera les élaborations à partir d’exemples pris dans la littérature où J. Gammill montre à la fois son attachement à la culture française et l’étendue de ses connaissances. Il cherche toujours à être au plus près du sens des mots. Ce qui l’amène souvent à expliciter chaque chose en détail en s’appuyant aussi bien sur une chanson de C. Nougaro que sur des vers de G. Duhamel. Des exemples cliniques nous le montrent à l’œuvre, véritable « metteur en scène » du théâtre intérieur du patient qu’il étudie avec une extrême finesse. Ses élèves ont tous été frappés par sa façon d’animer ce monde interne pour mieux faire toucher du doigt tous les aspects du patient. On retrouve ces qualités dans ses écrits.