En mémoire d’Anna Potamianou (1926-2021)
Le samedi 28 août 2021 à Athènes est survenu la disparition d’une grande dame de la psychanalyse, d’une femme dont l’acuité de l’esprit, l’érudition, la profondeur de la réflexion et l’engagement d’âme n’ont cessé de vibrer jusqu’à son dernier souffle.
Née au Pirée en 1926, Anna Potamianou a fait des études de philosophie et d’archéologie à Athènes qui renforcent son amour profond pour la Grèce, sa langue et son histoire. Elle s’engage dans la résistance contre les nazis, action reconnue par les médailles de la résistance grecque et de la Croix-Rouge française. Devenue docteur en Philosophie à l’Université d’Athènes, elle poursuit sa formation en psychologie à Paris-Sorbonne et entame sa formation psychanalytique à la SPP, à l’IPSO ainsi qu’au CFPP.
Sensible à la démocratisation des soins psychiques, elle fonde le premier « Centre extra-hospitalier de santé psychique et de recherche » en Grèce en 1956, qu’elle dirigera jusqu’à la dictature des colonels (1967).
Devenue membre titulaire formateur de la SPP et membre de l’Institut Psychosomatique Pierre Marty elle est co-fondatrice, à Athènes où elle exerce, de la Société Psychanalytique Hellénique dont elle fut présidente, œuvrant pour son développement et sa reconnaissance par l’IPA. Sa personnalité affirmée et l’étendue de ses connaissances théoriques et cliniques, comme son attachement à la métapsychologie freudienne, contribuent à sa réputation d’analyste aussi ferme et exigeante que généreuse dans ses apports constants dans la recherche, la formation et le développement du mouvement psychanalytique et de ses institutions. Elle a été fellow member du Conseil International des Psychologues et vice-présidente de l’IPA.
Pétrie de « psychanalyse française », autant de la SPP, de l’APF que du 4e Groupe, ses travaux témoignent également de sa constante ouverture aux travaux internationaux, en particulier anglo-saxons. Elle écrit en français à partir de 1984 pour être davantage en lien avec la communauté psychanalytique internationale. Ses thèmes de prédilection publiés dans une dizaine de livres et de nombreux articles sont les noyaux traumatiques et les identifications aliénantes (Les Enfants de la folie) les pathologies narcissiques (Un bouclier dans les états-limites : l’espoir) et le langage du corps dans les expressions psychosomatiques (Avoir la douleur, Attaches métapsychologiques de la fatigue, Calmer, s’absenter, veiller…).
Son expérience d’analyste d’enfants, sa préoccupation de la dynamique familiale et du développement psychique des enfants de parents violents, psychotiques ou inaccessibles psychiquement, l’amène à intégrer dans sa théorisation la fonction de l’objet et les carences de symbolisation dans les expériences a-mnémoniques, leur devenir dans la cure ainsi que les difficultés techniques auxquelles sont confrontés les analystes.
À partir de 2007 elle écrit à nouveau en grec une série d’essais où la clinique psychanalytique rencontre le sillage de la philosophie et de l’anthropologie en traitant les thématiques de la mort, de la créativité et de l’autodestruction par le retournement contre soi. En 2019 est publié son dernier livre Vibrations et passages en édition bilingue grec/français, ayant comme axe le corps et sa pulsionnalité, traitant des processus de psychisation et leur négatif.
Dans les Chemins de la mort (éditions Ikaros, Athènes 2007), elle écrit :
« En tant que théorie de la pensée, la psychanalyse ne pouvait ignorer le problème fondamental des relations de l’homme à la mort en considérant celle-ci non seulement en tant que fait biologique mais en tant que vécu psychique. En abordant les catastrophes de la guerre, la terreur de certaines idéologies, le discours psychanalytique a cherché à comprendre comment la psyché humaine travaille et est travaillée par les forces de l’amour (φιλότητα) et de la discorde (νείκος). Nous sommes appelés à penser au-delà ».
Klio Bournova
La bibliographie des publications d’Anna Potamianou est disponible sur le site de la BSF