Les introductions et les notes de James Strachey aux écrits de Freud, traduites et prolongées par Michel Gribinski
James Strachey, traducteur de la très fameuse Standard Edition, version anglaise des œuvres complètes de Freud, a accompagné son geste d’édition d’un appareil critique inégalé — introductions, notes, documents — qui fait aujourd’hui référence. Ce sont ces belles et rigoureuses « portes ouvertes sur Freud » que Michel Gribinski livre pour la première fois en français. Il ne s’est pas arrêté à la traduction et offre pour chaque livre ou article de Freud introduit par Strachey un texte de commentaire, d’investigation, et surtout d’invitation à la lecture.
L’apport remarquable de cet ouvrage tient également à un regroupement non chronologique du corpus freudien : un classement thématique en quatre parties en redessine les lignes de force et éclaire différemment les grandes questions de l’œuvre :
I – L’amour, la guerre, la mort
II – Entre civilisation et culture. Mythe, religion, histoire, littérature
III – La méthode, née de l’oubli et du rêve
IV- Pour introduire la psychanalyse
Le propos de Strachey, direct, savant mais non jargonnant, non hagiographique suppose un lecteur libre et curieux, auquel est proposée une « situation » précise de chaque texte. Les présentations de Michel Gribinski viennent en contrepoint : souvent se saisissant d’un point, d’une question, elles n’assènent pas davantage une leçon définitive de l’œuvre mais s’y confrontent, l’interrogent et sont interrogées par elle, tout en laissant le lecteur à sa propre découverte. Car tel est le principe de ces lectures critiques : Freud appartient à ses lecteurs.
« C’est une des leçons paradoxales, en creux, de Strachey— il ne dit jamais comment il faut lire, mais il laisse entendre que chacun est libre de sa lecture dès lors qu’elle est ouverte et de bonne foi, et qu’elle se marie à la simplicité de la langue. La simplicité ? « Celui qui voudra embrasser la princesse qui dort là-dedans devra, de toute façon, se tailler un chemin à travers quelques haies d’épines […] », écrit Freud à Ferenczi en 1913, dans un propos circonstancié. Ces présentations, au contraire, s’adressent au lecteur désireux d’avoir un accès moins épineux à l’œuvre de l’inventeur d’un paradigme entièrement nouveau de la personne et du savoir humains : nous ne croyons pas que, pour embrasser la princesse, il faille traverser quelques haies d’épines (pas sûr, d’ailleurs, qu’elle aimerait ça). Le bonheur toujours présent que nous avons eu à lire Freud, nous aimerions que le lecteur l’éprouve sans obstacles ajoutés. »