La crise sanitaire majeure que nous traversons a entraîné des bouleversements dans la pratique des psychanalystes d’enfants aussi bien dans le cadre institutionnel que dans l’exercice privé. Non seulement crèches, écoles et autres lieux ne sont plus en mesure d’assurer l’accueil des enfants mais le fonctionnement des institutions de soins s’est lui aussi trouvé profondément altéré en raison de la nécessité de respecter les règles du confinement. Les modifications survenues brutalement du cadre de vie des enfants que nous accompagnons ne sont pas sans conséquences sur leur devenir psychique tant dans l’immédiat qu’à long terme. De fait, nous nous trouvons dans une situation sans précédent, au moins de notre pays, qui peut être considérée comme un effondrement de l’environnement.
Dans une situation qui a pu être perçue initialement comme des vacances supplémentaires, au moins pour les conjonctures cliniques les moins désorganisées, de nombreux parents ont souhaité suspendre sinon interrompre les cures en cours. Ce qui dans un premier temps aurait pu apparaître comme une brève parenthèse dans le cours de la vie ordinaire ne l’a jamais été. Le confinement est loin d’être une fête où le plaisir serait tiré de la transgression temporaire des interdits assurant la vie sociale (comme le dit la chanson : « Vivent les vacances, les cahiers au feu et les maîtres au milieu ».) Son retentissement n’est pas seulement lié à la limitation des mouvements mais surtout au fait que celle-ci est due à l’existence d’un danger permanent dans le cadre extérieur. Le virus est l’ennemi invisible capable de pénétrer dans tous les pores de notre peau, apportant une maladie pour laquelle il n’existe pas de traitement connu. Si, pour certains enfants, la présence continue de leurs parents a pu avoir un effet réparateur par rapport à des situations de manque, ce bénéfice a été limité par la rupture des autres liens aussi bien entre les pairs de la classe d’âge que par rapport aux différentes générations et à la famille élargie moins facilement accessible. Surtout, comme à l’occasion de tout rapprochement familial, des tensions latentes se sont trouvées exacerbées, tant au niveau des conflits du couple parental que dans l’accroissement de l’ambivalence de ces derniers à l’égard de leur progéniture. Le risque de nouvelles maltraitances n’est pas à être ignoré ici.
Être psychanalyste d’enfants, c’est être également psychanalyste hors divan. Bien davantage qu’avec les adultes la pratique avec les enfants implique des relations avec différents intervenants. Outre les autres professionnels du soin et des écoles, il faut compter avec le sociusdans son ensemble justifiant la mise en place d’équipes au sein d’institutions spécialisées. Ce fonctionnement est aujourd’hui rendu plus compliqué, suscitant des interrogations nouvelles.
En même temps, nous ne devons pas oublier à quel point le développement de la psychanalyse d’enfants a été favorisé par les conséquences des bouleversements de la seconde guerre mondiale. Ainsi, les premiers travaux de guidance infantile sont nés en Angleterre de la nécessité de protéger les enfants des conséquences du blitz. De même, les politiques en faveur de l’enfant appliquées au lendemain de la deuxième guerre mondiale, dans le prolongement de l’esprit de la Résistance, ont favorisé le développement de notre discipline. Dans ce contexte, plusieurs membres de la SPP ont joué un rôle éminent dans la création des Centres de Guidance Infantile, des CMPP, des Intersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile comme de nombreuses institutions intermédiaires. À leur corps défendant, nos adversaires ne cessent de nous rendre hommage quand ils déplorent la place - trop grande à leurs yeux - de la psychanalyse dans le soin aux enfants
Aujourd’hui, les contraintes majeures que nous subissons à assurer la poursuite des soins peuvent être a contrarioune occasion de mieux élaborer les fondements de pratiques renouvelées comme à plus long apporter une nouvelle pierre à l’édifice que nous construisons de jour en jour. Que penser des conséquences de séances par téléphone ou visioconférence ? Sont-elles vraiment possibles avec les enfants ? Que penser de l’interruption contrainte d’une cure ? Ce sont toutes ces interrogations que nous voudrions mettre au travail dans le cadre de ce forum ouvert, à l’initiative de la COPEA à l’ensemble des membres de la SPP. Vos contributions sont les bienvenues.