Pour une psychanalyse ouverte
Il est important aujourd’hui de défendre une psychanalyse ouverte sur le monde. Dans le contexte d’une certaine remise en cause de la prise en compte de l’individu et de son psychisme, les psychanalystes doivent faire valoir les apports de la psychanalyse dans la connaissance de l’humain, dans les traitements psychiques en psychiatrie et en médecine, dans l’éducation et dans la culture.
Cette mise en valeur doit se faire dans l’ouverture aux autres champs de connaissance en acceptant de prendre en compte leurs langages et leurs références pour qu’il y ait échanges. Elle doit se faire en relevant le défi de l’évaluation des effets de la psychanalyse, car la demande des pouvoirs publics de justifier leurs financements est légitime, mais à condition de prendre en compte une évaluation authentique de la temporalité longue mise en jeu et la complexité d’objectiver des gains subjectifs. Certains ouvrent la voie, étudiant au long court la construction psychique ou réussissant le tour de force d’évaluer l’efficacité des psychothérapies selon des critères d’evidence based médecine.[1]Nous pouvons alors dénoncer avec d’autant plus de force les détournements scandaleux tentés ces dernières années par certains en falsifiant les recommandations de l’HAS dans le domaine de l’autisme[2].
Neurosciences et psychanalyse ne s’opposent nullement et des discussions critiques s’imposent. Une question étant de savoir si un nouveau champ se crée dans les sciences du vivant pouvant les articuler dans une neuropsychanalyse, ou s’il faut pour être rigoureux maintenir une spécificité épistémologique de leurs champs respectifs sans les confondre.
Un nouveau malaise dans la civilisation ?
D’étranges mouvements se dessinent dans la culture, replis nationalistes, montée des populismes, fragmentation des grandes unités politiques nées après guerre. L’histoire se répète-t-elle après une longue dépression économique ? Ou l’humanité est-elle confrontée à la donne nouvelle d’un monde fini dans l’espace dont les ressources s’épuisent ? Les psychanalystes ont à penser notre temps.
Le temps de la psychanalyse
Reste-t-il en accord avec le temps du monde actuel, excité et rapide, avec les connexions immédiates et continues que permettent les nouvelles technologies. Aujourd’hui la proposition de se consacrer trois séances de 45 minutes par semaine semble exorbitante. Quelle que soit la fécondité des autres cadres thérapeutiques que les psychanalystes ont expérimentés, ce cadre reste irremplaçable pour accéder à une connaissance intime de soi et des changements en profondeur : libérer la capacité d’aimer de ses entraves, se dégager des inhibitions et déjouer les répétitions. Nous organiserons à Paris un colloque sur ce thème le 17 novembre prochain.
Ouverture aux jeunes générations
On peut postuler jeune à la formation psychanalytique de la SPP. Pour le favoriser, la Commission d’Enseignement recommande aux membres de la SPP de faciliter l’expérience d’une authentique psychanalyse aux jeunes professionnels, psychologues ou psychiatres, par des tarifs adaptés à leur situation, si bien sûr l’analyste considère que l’analyse est indiquée, et selon ses disponibilités.
Ouverture aux questionnements d’aujourd’hui
Évolutions sociétales et innovations biotechnologiques bouleversent les repères des filiations, de l’identité sexuelle et de genre. Loin d’avoir la prétention de dicter une norme au nom de la psychanalyse, ce qui est psychanalytique est d’accueillir ces patients et ces familles, leurs éventuelles souffrances ou désirs, sans porter de jugement qui fasse obstacle à les connaître et les comprendre.
Ouverture aux besoins de prise en charge des traumatismes psychiques
Les membres de la Société psychanalytique de Paris se sont mobilisés lors des tragiques attentats de ces dernières années. Les traumatismes psychiques et leurs traitements sont explorés par la psychanalyse depuis la Première Guerre Mondiale –les névroses de guerre – et leurs effets sur plusieurs générations étudiés après la Seconde guerre mondiale et les exterminations de masse, ce qui donne aux psychanalystes une expertise spécifique dans ce domaine.
Une SPP plus ouverte
La Société psychanalytique évolue : avec des nouveaux locaux ouverts sur la ville, des activités de sensibilisation ouvertes au public et des groupes d’analyse des pratiques, un nouveau site internet avec des vidéos d’archives et de conférences, de nombreux textes, une newsletter et une page Facebook. La Bibliothèque Sigmund Freud est ouverte aux consultations du public et son site offre à tous des recherches dans son catalogue et un accès direct aux articles de la Revue Française de Psychanalyse depuis ses débuts en 1927[3].
Si notre tradition d’exigence d’un cadre classique pour les analyses, en particulier de formation, reste vraie car condition d’une analyse personnelle approfondie, et que la formation rigoureuse dispensée dans les Instituts de Paris et de Lyon implique d’apprendre les acquis freudiens, celle-ci est aussi tournée vers les différentes évolutions théoriques de ses successeurs et se fait largement à l’initiative des praticiens inscrits dans nos instituts. Contrairement aux préjugés que l’on nous attribue, on peut postuler à cette formation avant 30 ans, ou si au contraire, l’on est un praticien expérimenté qui souhaite rejoindre notre groupe.
L’orientation sexuelle des candidats n’est pas un critère de sélection, position officielle déjà ancienne de l’Association Psychanalytique Internationale. Si une expérience clinique est appréciée, celle-ci peut aussi être acquise pendant les années de formation.
Notre critère essentiel de sélection des candidats est leur aptitude à entrer en contact avec leurs processus inconscients et leur pulsionnalité, l’intégration de leur bisexualité psychique et l’élaboration de leurs conflictualités. Conditions nécessaires pour une écoute psychanalytique authentique.
Denys Ribas
Président de la Société psychanalytique de Paris
[1]H.Suares-Labat. Les autismes et leurs évolutions, Dunod, 2015 et Approches psychothérapiques de l’autisme. Résultats préliminaires à partir de 50 études intensives de cas. J.-M. Thurin , M. Thurin, D. Cohen, B. Falissard, Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, n° 62 (2014) pp. 102–118.
[2]Saluons également la publication de la recherche de Pierre Delion montrant l’apport du packing dans les autismes sévères qui lui a valu, ainsi qu’au Pr David Cohen, des accusations de mauvais traitements et une véritable persécution personnelle, absolument scandaleuse : http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0198726
[3]Par la BNF pour le vingtième siècle, et par le site CAIRN depuis 2001, gratuitement 5 ans après la parution.